C'est un de ces jours qui me fait aimer ici. Le soleil inonde de ses rayons sereins les montagnes de l'arrière pays mannois, que je contemple tranquillement du jardin du pub du coin, un capuccino à portée de main. Enfin... aussi tranquillement que possible le premier samedi après midi des vacances d'été, dans un beer garden ensoleillé après une semaine de temps maussade - le genre de temps qui est normal ici en Juillet, mais qui est considéré comme pourri et froid en France.
Si tu as bien lu mon premier billet et que tu es soit cultivé, soit curieux (je penche pour la seconde option), tu auras compris que j'habite depuis peu l'île qui a vu naître Mark Cavendish. Sinon, pour ceux qui n'ont rien suivi, j'ai récemment déménagé sur un caillou au milieu de la mer d'Irlande qui répond au doux nom de l'ile de Man.
C'était le 1° Avril de cette année, et non, ce n'était pas une blague.
Bien qu'au beau milieu des îles britanniques, l'ile de Man a le goût des endroits du bout du monde. La plupart des gens n'en ont tout bonnement jamais entendu parler (la récente campagne d'information lancée par l’office du tourisme de Douglas devrait cependant changer la donne) ; d'autres font mine de connaître, mais n'ont aucune idée de la localisation géographique, ne fut elle qu'approximative.
Pour y arriver, c'est un parcours du combattant. La voie des airs et celle des eaux partent exclusivement du Royaume-Uni, et tu imagines bien qu’aucune n’est coordonnée un tant soit peu avec d’autres transports ralliant le continent. Bref, de Paris, le trajet pour l'ile de Man est aussi long que celui pour New York. Et encore... dans les bons jours ou Air France daigne voler à heure dite. Parfois, un avion du continent s’aventure au-delà de Londres pour atterrir à Ronaldsway. Provenance : Genève ou Bruxelles, ça dépend des années et du marché financier.
Je vois d’ici tes lèvres esquisser un « Pourquoi le marché financier ? Qu’est-ce que cela a à voir avec la choucroute ? ». Ne t’impatiente donc pas, j’y viens.
L'ile de Man a un statut assez particulier. Elle partage avec ses consœurs anglo-normandes, Jersey et Guernesey, la particularité de ne pas faire partie du Royaume Uni. C’est une dépendance de la couronne britannique, avec un Lieutenant Gouverneur et tout le tralalala qui va avec. Concrètement, ça veut dire qu'elle a presque tout d'un pays indépendant sauf qu’elle ne l’est pas : propre drapeau (sans aucun signe de l’Union Jack), propre gouvernement, propre sécurité sociale, et propres lois. Notamment sur la taxation des sociétés.
Tu sais là, les trucs qu'on appelle paradis fiscaux. C'est exactement ça, mais au lieu d'être sous les Tropiques, on est à la même latitude qu'Hambourg. Tout de suite, c'est moins beaucoup sexy...
Donc oui, aujourd'hui, c'est un jour qui me fait aimer l'ile de Man. Le beau temps permet enfin de mettre plus que le bout du nez dehors, d'aller se balader par monts et par vaux pour profiter des paysages enchanteurs de l’île et de se laisser emporter par la douce insouciance estivale. La mer d'Irlande de son bleu intense contraste avec les falaises vertes émeraudes sur lesquelles paissent tranquillement des nuées de moutons. Les plus hautes sont comme pelées, recouvertes de bruyère et d'herbes basses, et offrent des vues imprenables sur le reste de l'ile, partagé entre montagnes, bocage et villages proprets.
Enfin, ça, c'est pour la partie sud. Le tiers nord de l'île est une plaine, et offre une vue assez impressionnante sur les montagnes du centre puisque que de cette plaine, on passe directement au point culminant de l'ile, le Snaeffel. Je l'avoue volontiers, je suis plus attirée vers le sud et ses paysages remplis de celtitude à faire fondre le cœur de n'importe quel Breizhou, y compris ceux de Normantagne et de Vendée.
Peut-être te demandes-tu comment j'ai pu atterrir sur ce caillou au milieu de la Mer d'Irlande ? Je vais assez pudiquement te répondre que c'est un pari sur l'avenir, né d'une conviction assez profonde qu'entre l'ile de Man et l'Angleterre, je m'acclimaterai plus facilement ici que dans cette Angleterre trop périurbaine à mon goût, où finalement il n'y a qu'assez peu d'endroits où la nature prend vraiment le dessus. Or, si j'ai quitté Paris pour ne pas vivre dans une ville (la seconde moitié concerné par le pari a de drôles d'idées, mais je lui pardonne, c'est un anglais après tout), je préfère être franchement à la campagne. C'est très drôle d'ailleurs, ces notions de ville et de campagne, cela fait partie de ces petites différences conceptuelles entre français et britanniques assez rigolotes...
Mais je reviendrai plus tard sur ces différences. Revenons à nos moutons blancs qui paissent sur les falaises comme autant de promesse de gigots succulents, le vent qui fait se coucher les herbes dépassant 10cm de hauteur, la mer bleue roi qui ne s’offre qu’aux sirènes les plus téméraires (12°C dans l’eau) et ce soleil qui me réchauffe le cœur et le sang.
Mais quelle idée j’ai eu de me baigner bordel ?